Wednesday, September 11, 2019

F-side ain't easy

Two chapters of the "F-Side is niet Makkelijk" book which was published in 2002, have been translated into English and can be read here. Unfortunately a full translation never materialised. To read the chapters of the book which was published to celebrate 25 years of the F-Side, click on the pictures.
ISBN: 9027479615





Some chapters have also been translated into French. 

F-Side en français:

« Le F-Side n’est pas convenable »


« Aucune nouvelle ne pourrait me faire plus plaisir que d’apprendre que le F-Side est dissout »
Jelle Kuiper, commissaire principal, police d’Amsterdam
« C’était des rats. Pas des supporters de football »
Klaas Wilting, porte-parole, police d’Amsterdam
« Ils sont bêtes comme leurs pieds »
Tom Harmsen, Président de l’AFC Ajax
« On n’a jamais appris à ces garçons qu’on ne peut pas faire certaines choses »
Michael van Praag, Président de l’AFC Ajax
« Il faudrait les viser avec une carabine, et en tirer trois ou quatre dans les jambes »
Otto Roffel, directeur du stade Olympique, Amsterdam
« C’était le plus beau moment de ma vie ! »
Indiaan (« l’indien »), F-Sider

Le F - Side de l’Ajax. Les supporters de football les plus créatifs, et anarchistes de Hollande. Toujours partants pour un joyeux chaos dans les tribunes de l’Ajax. Chacun fait ce qui lui plait. Connus pour leur sens de l’humour, et leur don pour la publicité et le sensationnel. Défenseurs de la fierté en rouge et blanc de l’Ajax. Le pendant de l’Ajax hors du terrain.
Le F-Side n’est pas convenable. Au contraire, provocateur et non conformiste. Incompris et jamais satisfait. Une source permanente d’agacement pour les autorités et le public. Pas vrai ?
Le F-Side. D’habitude, ce sont les autres qui en parlent. Personne ne leur demande rien. De toute façon ce serait inutile. Ils s’expriment eux-mêmes. C’est ainsi que ce livre a vu le jour. Tous les albums furent ouverts. Pour une unique fois, toutes les figures marquantes furent réunies. Cela donne l’histoire des 25 dernières années d’un des phénomènes de société les plus débattus en Hollande, écrite par ses acteurs.

Les débuts

Pendant la semaine, tout était Ajax. Si je devais aller chez le dentiste, je comptais le nombre de matches de l’Ajax qui restait jusqu’au rendez-vous, pour me changer les idées. Bien, il reste encore deux matches avant que je doive aller chez le dentiste. C’est à ce point qu’on était fanatiques.
Mechel

Amsterdam 701

La toute première fois qu’une bande de gars du Diemen Side, du terrain De Meer de l’Ajax, se comporte comme un groupe a lieu le dimanche du tournoi 701 d’Amsterdam (6 août 76), après le match pour la troisième place entre Leeds et le Borussia Moenchengladbach. Avec pour fait déclencheur l’occupation des sections S, T, SS et TT par 400 balaises, supporters de Leeds, utilisant la violence à l’occasion. Les Ajaxiens se regroupent et décident que c’est inacceptable. La reconquête commence avec hésitation. Quelques anglais reçoivent un ou deux coups de poing. Cependant la confiance du groupe augmente à mesure qu’ils sont rejoints par des poids-coq de plus en plus nombreux. La bagarre fait rage pendant plus de 20 minutes. Les deux groupes s’envoient des bouteilles et des briques. Le « vieux Gerrit » doit se retirer quand il est frappé à la tête avec une planche pleine de clous. L’issue de la bataille est indécise. Lentement mais sûrement les fans de l’Ajax repoussent les anglais au-delà des barrières, sur les terrasses.
Eddie van Haperen, un personnage du genre Hell’s Angel qui, à l’époque, assistait aux matches avec son frère Martin, et répondait à l’illustre surnom de « la Bête », se souvient très clairement. « Ca chauffait dur quand on est arrivés sur la tribune. J’ai remarqué qu’elle était vide et que nos potes étaient éparpillés. Je me suis dit : qu’est-ce qui se passe ici ? J’ai remonté la tribune en diagonale et demandait à Lola « qu’est-ce qu’on fait ? » A ce moment-là on savait que les autres nous suivraient. Le premier anglais rencontré fut bon pour quelques coups de poing. On allait d’un côté à l’autre, et de plus en plus d’entre nous regagnaient la tribune. Les Ajaxiens qui avaient fui les fans de Leeds un peu plus tôt voyaient ça. Ils revinrent tous. On finit par avoir la supériorité numérique, et regagnait toute la tribune. Plusieurs centaines de fans de Leeds mis en déroute. »
Un aspect particulièrement remarquable de cette anecdote est cette soudaine conscience collective. Ils se connaissaient déjà et attendaient une occasion de se manifester en tant que groupe. Le fait que des supporters anglais soient les premiers à faire les frais de cet appétit d’action est un détail secondaire. Pendant des années les amstellodamois ont suivi les troubles de l’autre côté de la mer du Nord. Ils ont tous un profond respect pour tout ce qui est anglais. Les fans du Diemen Side vont bientôt être servis. Dès la quatrième semaine de la saison, ils attendent la visite de l’armée hooligan la plus redoutée de l’époque.

Répétition générale

En raison du prestigieux match contre Manchester United, l’Ajax joue contre le Sparta Rotterdam le samedi soir (11/09/76), et non le dimanche après-midi comme d’habitude. La tribune F, clairsemée, ne semble guère intéressée. L’armement qui sera à apporter est un point central de discussion. Est-ce que ce sera le ceinturon, le gourdin ou la chaîne habituelle ?
L’Ajax joue la première mi-temps vers le Diemen Side, et traditionnellement les supporters traversent le stade à la deuxième mi-temps pour suivre l’équipe. La horde s’en va donc vers le côté opposé en passant derrière la tribune Reynolds, cherchant en chemin l’occasion de s’amuser. La chance leur sourit devant la buvette de la section L. Le personnel de la cantine est occupé par l’arrivée des marchandises et ne remarque pas l’intérêt du groupe pour les énormes quantités de bière. Après un moment d’hésitation, un premier fan s’avance d’un pas décidé vers le stock et en retire rapidement un pack de cannettes. Puis il s’enfuit en courant vers le City Side. Un membre du personnel vêtu d’une veste blanche de serveur se lance à sa poursuite, mais abandonne rapidement. Exactement au même moment, le stock de bière libre de toute surveillance devient la proie des autres fans. Ils portent triomphalement leur butin vers la section L, où un employé de garde de 80 ans leur cède poliment le passage.
La bière chauffe l’atmosphère mais le match ne se passe pas si bien : l’Ajax perd 3-1. Après le coup de sifflet final, les Ajaxiens marchent vers Lávenue du Middenweg, à la recherche de sensations. Le stade De Meer se vide en un rien de temps, et le Middenweg est bientôt désert. Après un assaut rapide de l’abri-bus, face au bar Meerzicht, ils s’avancent en direction du terminus de tramway n°9. Il n’y a pas de tram mais le car des supporters du Sparta Rotterdam se trouve sur le parking vide, esseulé. L’excitation gagne le groupe qui prend immédiatement la direction du parking. En chemin ils ramassent des briques et en arrosent le car. Les fans du Sparta abasourdis regardent le spectacle mais ne réagissent pas, jusqu’à ce que les premières vitres soient brisées. Deux solides gaillards supporters du Sparta ne peuvent rester impassibles et sortent du car en jurant et en gesticulant de façon menaçante. Ils sont accueillis par une volée de briques. Le chauffeur décide de ne pas attendre la suite des événements et démarre. Les fans du Sparta ont juste le temps de sauter dans le bus par les portes laissées ouvertes. Peu après dans le tram n°9, on parle du succès de la répétition générale. Maintenant, amenez-nous les anglais !

L’Armée Rouge

Manchester United est le premier adversaire de l’Ajax en coupe de l’UEFA (15/09/76). Une armée redoutér, forte de 5000 fans, les suit avec dévotion, précédée par sa réputation. L’Armée Rouge est connue pour être périodiquement mêlée à des bagarres à grande échelle. Les services de police d’Amsterdam organisent la protection la plus imposante de l’histoire de la ville en matière de football. 500 agents sont appelés pour l’occasion et les tribunaux de flagrant délit seront utilisés pour la première fois. On prévoit d’augmenter la capacité des cellules dans plusieurs endroits. La température, déjà élevée avant la match, monte encore sous l’effet de la rumeur selon laquelle des fans du FC Amsterdam, du FC Utrecht, et d’AZ 67 se joindront à ceux de Manchester United pour affronter les forces de l’Ajax. Mais ils ne se montreront pas. Les gars du Diemen Side se tiennent tranquilles. Bennie de Heemskerk et son pote Rob sont les seuls à avoir assez de cran pour se faire entendre, même si ce n’est que par une brève intervention. Au moment où sur leur chemin vers le stade les deux dépassent en vélo un groupe d’anglais, Rob ne peut se retenir : « enfoirés, connards ! » crie-t-il aux mancuniens qui se mettent immédiatement à leur poursuite. Rob la grande gueule, avec Bennie  assis sur son porte-bagages, doit pédaler comme un fou pour ne pas être rattrapé par ses poursuivants. Ces deux-là s’échappent de justesse.
Alors qu’une douzaine d’autocars, contenant des milliers de supporters de MU, tournent au coin l’avenue de Amstelveenseweg, les supporters de l’Ajax sont si impressionnés qu’ils ne peuvent rien faire d’autre que les regarder passer, bouche-bée. Chinees (« le chinois »), 16 ans à l’époque, tenait un journal de sa toute première saison avec l’Ajax. Grâce à lui, le souvenir de l’événement suivant est resté.
« Pour la toute première fois, on avait peur  de se faire virer de notre propre stade. Les supporters anglais étaient environ cinq mille et nous étions un millier de Diemen Siders. Lourdement armés, nous nous avancions vers le Stade Olympique, équipés de chaînes de vélo et de barres de fer. Certains objets bizarres avaient également été apportés : un fusil de chasse, quelques couteaux de boucher et une batte de base-ball qui dépassait d’un sac. Je n’avais qu’une chaîne d’environ 50 cm. En raison de la présence d’à peu près 500 policiers, et de 35 policiers à cheval, il n’y eut pas d’affrontement. »
Les Diemen Siders font encore une tentative pour impressionner les anglais. Ils font tournoyer leurs chaînes au dessus de leur tête, à la place de leurs écharpes, et commencent à chanter « you’ll never walk alone ». L’armée de MU n’est pas du tout impressionnée. La bataille entre les deux camps est une bataille vocale, et MU l’emporte largement. Pour la police, tout se déroule tranquillement et comme prévu. La plupart des mancuniens sont convoyés directement au stade. Pendant la journée, la police surveille de près plusieurs groupes d’anglais dans le centre-ville. Pour le match, ils sont placés dans le secteur HH du stade, complètement isolés des autres. Plusieurs dizaines de policiers anti-émeute les surveillent. Après le match ils sont immédiatement remis dans leurs cars et reconduits à Ostende et Zeebrugge.
Pour beaucoup de fans de l’Ajax, ce match avec tout le spectacle qui l’entoure, constitue un événement impressionnant. Cela intensifie l’esprit d’équipe qui anime le groupe, principalement constitué de fans qui sont nés et ont grandi à Amsterdam. Cette seconde rencontre avec des fans de foot anglais a une très grande influence sur les jeunes Ajaxiens. A partir de ce moment, ils vont adopter la conduite anglaise : entonner des chants de supporters anglais, s’habiller à la manière des fans anglais, et également se forger une réputation effroyable, anglaise.

Un nom pour le Diemen Side

La première occasion d’acquérir la réputation désirée, peu après le match contre MU, ne sera pas manquée. Pour Ajax contre FC VVV (03/10/76) quelques 300 supporters de Venlo achètent des billets pour la section F, inconscients d’un éventuel danger. Cela leur coûte cher. Ils seront « conduits » de manière persuasive vers la section G. Comme les buts tardent à apparaître sur le tableau d’affichage, la nervosité des Diemen Siders augmentant, les fans de VVV ne sont plus en sécurité. Les coups pleuvent. Bobby, Leo et Nollie, 3 anciens vétérans de la section F, occupant alors des places situées sur la longueur du stade De Meer, interviennent. Ils se précipitent vers la section F, située derrière les buts, et protègent les fans du VVV. Ils foncent dans le tas des supporters de la « nouvelle génération » qui prennent leurs jambes à leur cou. La police évacue les fans du VVV terrifiés et les escorte vers des places plus sûres.
Cet événement s’est produit il y a 25 ans, et l’opinion est toujours divisée à son sujet. Bennie commente : » J’en ai encore honte. Ces gens du VVV se sont vraiment fait tabasser. Ca n’avait aucun sens. Il y avait des mères et des enfants parmi eux. » Mechel de son côté ne comprend toujours pas pourquoi des types qui eux-mêmes étaient capables de sortir des handicapés de leurs chaises roulantes se retournaient maintenant contre leurs copains. »Ils n’auraient pas du faire ça. Ils auraient pu réagir différemment ». Schele Peter (Peter qui louche) a un point de vue plus tranché : « On ne les respectait plus ».
Finalement, ce jour reste dans les mémoires pour une raison tout à fait différente. La discussion sur le nom qu’il convient de donner à leur groupe se poursuit pendant le match de l’après-midi. Dans le tram n°9, au milieu du brouhaha, Bennie lance son idée aux autres. « Appelons-nous le F-Side ! ». Les autres acceptent immédiatement le nom de F-Side. Il se répand dans tout Amsterdam, de bouche à oreille, et aussi grâce au Edding 500 (un gros marqueur indélébile) et aux aérosols de peinture. Le reste des Pays-Bas sera bientôt habitué aux gars à cause de leur comportement. Les médias font le reste.
Le match à l’extérieur contre le FC Twente (17/10/76) est une excellente occasion de faire sensation dans le pays. Un groupe d’environ 150 F-Siders fait le déplacement à Enschede. Pour entrer dans le stade, ils introduisent pour la première fois une méthode pour se faufiler, qui sera ultérieurement réutilisée avec succès : la prise d’assaut. Les premiers du groupe de supporters se présentent et font comme si ils allaient sortir un billet de leur poche, mais tout à coup passent les stewards et se précipitent à l’intérieur vers la section des visiteurs. Le reste du groupe profite de la confusion pour s’engouffrer par l’entrée comme un seul homme, si bien que les stewards ne peuvent rien faire. Ils prennent de plus en plus conscience du pouvoir du nombre.
C’est une journée qui fera date : le même jour le F-Side dévaste son premier train. Bien que ce soit une pratique nouvelle, chacun semble savoir exactement comment faire, selon le récit du journal de Chinees :
«  Pour le retour, il n’y avait pas de police dans notre train, alors il n’a pas fallu attendre longtemps pour que les tubes de néon volent à travers le compartiment. Les sièges ont été lacérés ou jetés par la fenêtre, les poteaux en fer ont été tordus avant de disparaître dans la nuit. Quand un employé du wagon-restaurant est venu pour voir d’où venait tout ce bruit, une dizaine d’entre nous s’est engouffré dans son wagon (qui n’était pas fermé à clé) pour le piller. La démolition nous avait donné faim. Nous nous sommes servis des bouteilles de Coca volées pour briser les vitres dans toutes les gares que nous avons traversées. Et en plus la cuvette des toilettes a été passée par la fenêtre. La fête s’est terminée à Amersfoort, où la police est montée dans le train pour évaluer les dégâts et pour nous calmer. »

Emeutes à Rotterdam

Pendant le match contre Telstar (31/10/76), les choses ne vont pas plus loin que des dégâts plutôt anodins. Le F-Side prend possession du tableau de score, portant l’affichage à Telstar : 0 - Ajax : 9. Le gardien de buts du Telstar Paul van der Meeren est la cible d’un tir de barrage de canettes, de rouleaux de papier de toilette, et de numéros arrachés du panneau. Les fans se calment quand quatre policiers avancent vers les gradins l’index menaçant. Dans le train, après le match, les fans de l’Ajax s’envoient des fusées éclairantes. Pendant ce temps, Chinees est occupé avec ses graffiti : « Ajax », « Superdémolisseurs » et « F-Side ». Selon son journal, cela lui vaut d’être arrêté par la police des chemins de fer mais il parvient à s’échapper à la gare d’Haarlem.
Deux semaines plus tard (14/11/76), le match tant attendu à Rotterdam arrive. Pour la majorité des F-Siders, ce sera une première. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qui les attend. Quelques anciens ont préparé chaînes, clubs et ceinturons. Les chemins de fer hollandais (NS) ont décidé d’utiliser pour ce match le bon vieux « Ajax Express ». Ce train spécial pour supporters, pour lequel les tickets vendus sont rouge, et blancs, et qui conduit les fans directement au stade du feyenoord, De Kuip, pour seulement 12 florins. Le résultat est décevant. 200 supporters seulement viennent pour ce match au sommet. Une grande partie du train reste vide. Le train arrive à Rotterdam 45 minutes avant le coup d’envoi. A l’arrivée à de kuip le retard est considérable. Il s’avère que la police demande qu’on lui laisse le temps de disperser le « comité d’accueil » de plusieurs centaines de fans du feyenoord. Le groupe devra sans aucune escorte policière traverser une foule hostile, sur la place devant le stade.
Peu d’Ajaxiens ont un billet pour le match. Et ceux qui n’en ont pas n’ont pas l’intention d’en acheter un. Sous le commandement de Lola la horde prend d’assaut le guichet et, malgré l’opposition des stewards, parvient à le maintenir ouvert pour faire entrer le groupe. La police est alertée et arrive trop tard pour les arrêter. Elle parvient à préserver sa réputation en arrêtant quelques personnes au hasard, alors que la plupart des F-Siders sont déjà à l’intérieur au deuxième niveau. Les oeufs apportés ont dans leur plus grand nombre survécu aux escarmouches, et sont lancés sur les gradins du dessous, dans l’hilarité générale. Les tirs atteignant leur cible sont salués par des cris de joie. Les milliers de rotterdammers ont bientôt plus d’yeux pour le petit groupe de fauteurs de troubles des gradins du haut que pour le match lui-même. Dans le même temps les amstellodamois sont étonnés par le manque de résistance. « C’est tout ? »
Le match se conclut par un terne match nul. Il faut maintenant arriver à sortir du stade et rejoindre la gare. « Restons ensemble » se disent-ils, se dirigeant difficilement, pas à pas, vers la sortie. Même les plus naïfs d’entre eux comprennent que ce ne serait pas une bonne idée d’arborer une écharpe aux couleurs de l’Ajax. Ils sont toujours à l’intérieur du stade quand a lieu la première confrontation. Plusieurs supporters du feyenoord se font arranger à coups de ceintures, mais l’incident disperse le groupe. Ils en font les frais quand, une fois franchies les grilles du stade, les supporters du feyenoord, venant de toutes les directions, se ruent vers eux. Dans la confusion de la bagarre, c’est maintenant chacun pour soi. Le problème est maintenant d’arriver entiers à la gare. Le chaos fait rage jusque sur les quais. Au milieu d’autres trains se trouve l’Ajax Express, sérieusement pris à partie par trois fans du feyenoord armés de chaînes et vêtus de blouses de médecins. Sous les yeux de plusieurs policiers des chemins de fer, passifs et semblant même approuver la scène, de nombreuses fenêtres sont brisées. Les F-Siders n’ont d’autre choix que de chercher refuge dans le train. Tempêtant et pestant, ils jurent qu’ils se vengeront. La paix ne sera jamais conclue entre le F-Side et les supporters du feyenoord.

L’impuissance des chemins de fer néerlandais (NS)

Les chemins de fer néerlandais sont particulièrement embarrassés face à l’explosion du vandalisme. A cause des dégâts matériels, mais plus encore par la perte de confiance des voyageurs. Les dégâts matériels réels ne doivent pas être exagérés. Une grande partie de l’équipement est vieux, proche de la mise au rebut, et bien assurée. Mais comme les supporters s’asseyent au milieu d’innocents passagers, il est presque impossible d’agir contre les fans de foot. Le personnel est plus nombreux à bord des trains (environ 45 employés de plus les dimanche, parfois avec des chiens), mais il ne peut pas se trouver partout à la fois. Des trains supplémentaires sont utilisés pour séparer autant que possible les fans de foot des autres voyageurs. Mais la mesure s’avère inefficace. Alors que le F-Side rentre de Kerkrade, l’employé de la gare de Den Bosch conseille par haut-parleur aux voyageurs, attendant sur le quai, de laisser passer le train. « Nous ne pouvons vous faire bénéficier des conditions de transport habituelles à bord du train à l’approche. Par conséquent, nous vous demandons de bien vouloir attendre le suivant ». Le combat des NS est perdu d’avance dans la mesure où ils sont légalement tenus d’assurer le service du transport à leurs clients. On ne peut être renvoyés d’un train qu’en cas de mauvaise conduite.
Le vandalisme lié au football pose également problème de manière indirecte : il exige un tel nombre de policiers des chemins de fer qu’ils se trouvent en nombre insuffisant pour assurer leurs autres tâches. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si au même moment le nombre de cas de vols de pickpockets recensés augmente considérablement (hausse de 17% en un an), en particulier à la gare centrale d’Amsterdam.

Variations sur un thème

Après un match à l’extérieur, un train constitue le dessert le plus approprié, mais après un match à De Meer, le F-Side ne dédaigne pas non plus un tramway. Le tramway n°16 est la cible habituelle après les matches au Stade Olympique. Les événements à bord du tramway n°9 après le match contre le FC Amsterdam en sont une illustration typique. Chinees raconte dans son journal :
« Il n’y a que le F-Side dans le tram, les autres n’osent pas monter. Une fois que le tram est plein à craquer, et que nous sommes serrés comme des sardines, il essaie de démarrer. Il essaie. Il fait en général 5 ou 6 mètres avant que le cloche sonne, indiquant que quelqu’un  a tiré le signal d’alarme. C’est marrant bien sûr mais on avance à peine. En 15 minutes, on ne fait que quelques centaines de mètres. Une fois qu’on s’en est lassés, on commence à s’occuper des tubes de néon. »
« C’est plus exaltant de dévisser les tubes de néon, puis d’ouvrir la porte arrière et de les lancer à l’extérieur du tram roulant à pleine vitesse. Avec un peu de chance, on réussit à atteindre une voiture, de préférence une qui coûte cher. »
Tout comme dans le train, on peut s’affairer sur les sièges avec un couteau, ou les dévisser avec une pièce de monnaie. Les tramways ont cependant quelque chose en plus : les fenêtres ne sont pas aussi épaisses (pas de double vitrage). En conséquence, on essaie de parvenir à ce qui est pratiquement impossible dans un train : briser les vitres en utilisant les sièges comme outils.  Si il ne reste plus de siège, mais que certaines des fenêtres sont toujours intactes, on peut se hisser aux barres par la force des bras et donner de toutes ses forces des coups de pieds contre la vitre, d’un mouvement élégant à la Tarzan. En général, ça pétera.

Journée Nationale d’Emeutes

Juste après la trêve hivernale (09/01/77), tous les groupes de supporters s’apprêtent à entrer en action. On peut dire sans exagérer que c’est la foire dans tout le pays. 85 fans sont arrêtés en une seule journée de championnat, ce qui constitue un nouveau record en Hollande. Le F-Side fait sensation à De Graafschap où les supporters locaux du Spion Kop sont chassés de leur tribune. A la mi-temps toute la bande se dirige vers la buvette. Malgré tout le débit, l’organisation du bar n’est pas au point. La plupart des fans le quittent sans avoir payé. Le flipper ne survit pas. Quelques coups sévères le font « tilter » définitivement. Toutes sortes d’objets de la buvette sont rapportés sur les gradins.
Un usage pratique leur est trouvé en deuxième mi-temps. Le gardien de De Graafschap Nico van Zochel reçoit une pluie de verres de bière. Witte Eddie (Eddie le blanc) envoie négligemment  une cafetière dans les buts. L’arbitre Keizer prend des mesures énergiques : il interrompt le match. L’agitation se poursuit toujours quand la police pénètre sur la tribune. Les esprits se calment quand un supporter de l’Ajax a un malaise cardiaque et doit être évacué en ambulance. La destruction par le F-Side de l’intérieur du train qui les reconduit fait les gros titres de journaux, mais est éclipsée par l’arrestation de 72 fans du FC La Haye après le match à Haarlem.

Les gros bonnets finissent par se réveiller

La justice est débordée par le phénomène du hooliganisme. Le lundi suivant les émeutes du 09 janvier, il ne reste en détention que 5 des 85 personnes initialement arrêtées. Leur « souffrance » est proche de son terme, car la possession d’une arme blanche n’est plus un délit et ne peut justifier une détention plus longue. Si jamais les suspects sont poursuivis, ils doivent se présenter devant la Cour, puis peuvent rentrer chez eux. Le droit hollandais ne connaît pas encore la Justice des flagrants délits, qui sera plus tard communément appliquée. Les condamnations sont rares, dans la mesure où il est en général très difficile de prouver qui a détruit quoi. En particulier si le suspect nie tout en bloc. Le sujet finit par préoccuper également les politiciens. Le ministre hollandais de la justice Dries van Agt est interrogé par le Parlement. Ses réponses n’apportent pas d’élément nouveau au débat. Une commission constituée à cet effet étudie les mesures à prendre pour venir à bout du goût des fans pour la destruction.
Les présidents des clubs de football hollandais ont déjà réagi, Jaap van Praag, le président de l’Ajax en particulier : « Cette situation est intolérable. C’est une honte pour notre sport, et, si nous ne prenons pas rapidement des mesures, les conséquences seront incalculables. Il nous faudra peut-être, en étroite collaboration avec la police, procéder avant les matches à la fouille des supporters, pour faire en sorte qu’on ne retrouve plus jamais cette racaille sur les tribunes. »

Pieds de porc et grenades à main

Les photos du gardien van Zoghel et de la cafetière sont dans tous les journaux. Le F-Side, toujours à l’affut de l’attention des médias, comprend qu’une action sortant un peu plus de l’ordinaire sera sûrement relatée dans les journaux et confortera sa réputation déjà bien établie. Le premier essai sera un succès. Pour le déplacement à Eindhoven, le F-Side se fait confisquer un panier d’oeufs. Au cours du match suivant à domicile contre le FC La Haye (06/02/77) de nouveaux plans sont échaffaudés pour le déplacement à venir à NAC. Six mois plus tôt, le NAC Spion Kop (le futur B-Side) a causé de gros ennuis au gardien de l’Ajax Piet Schrijvers. Ses buts furent complètement enterrés sous des centaines de rouleaux de papier-toilette. Il fut impossible de continuer à jouer et le match dût être interrompu. Cet acte mérite des représailles, enjouées et tapageuses.
Chinees : « On volait des rouleaux de pécul partout. Avec un groupe de supporters, on volait tout ce qu’on pouvait dans les toilettes de mon école. D’autres supporters faisaient tous les trains à Central Station en en remplissant des sacs poubelle. On avait accumulé un stock impressionnant. Et puis on ramassait n’importe quoi. J’avais même pris un réveil-matin que j’avais gagné à la fête foraine Jan van Galenstraat. Ce truc ne donnait pas l’heure exacte de toute manière. »
Le 6 mars est le grand jour. Les F-Siders sont à bout de patience car l’Ajax joue la première mi-temps vers l’autre côté du terrain. Mais quand Jan de Jong le gardien du NAC prend en fin place devant le F-Side pour la deuxième mi-temps, une averse très couleur locale s’abat sur lui, faite d’oeufs, de kroketten, de morceaux de saucisse, de canettes de bière, de billes et papier-toilette. Et d’un réveil-matin. Le réveil provoquera l’hilarité chez les joueurs après le match. Il fut apporté à Jaap van Praag sur le bord du terrain, ce qui fit faire à un joueur la remarque suivante : « Il a sans doute trouvé que c’était une affaire. Ce réveil a dû se retrouver dans la vitrine de son magasin de Schiphol. »
Comme espéré, les médias sautèrent sur l’événement. Des récits complets furent publiés le lendemain matin. Le prochain match à domicile approche, et les F-Siders se demandent comment faire mieux. Chinees : « Une autre idée m’est venue, ne serait-ce que parce que je n’avais pas vraiment envie de me trimballer encore avec un tas de papier-toilette. Au supermarché où je me faisais de l’argent de poche le samedi pour financer mes déplacements aux matches à l’extérieur, ils avaient des pieds de porc au rayon boucherie. Ils coûtaient trois fois rien, ce qui me convenait.  Alors j’en ai pris deux pour un florin cinquante et les ai apportés au stade De Meer. On a bien rigolé dans les tribunes ». Juste après le coup d’envoi de Ajax - FC Twente, les pieds de porc aterrissent sur la pelouse, dans la zone des 18 mètres. Ce qui donne une remarquable photo de l’attaquant Ruud Geels courrant vers la ligne de touche un pied de cochon dans chaque main. C’est un jeu d’enfant d’attirer l’attention des médias simplement en lançant des déchets sur le terrain. Les choses peuvent-elles devenir plus dingues ? Chinees : »Un de mes oncles eut une idée. Il s’était procuré une bite de taureau, avec les couilles encore attachées. Il me gardait ça dans son frigo. Je n’avais qu’à passer le prendre chez lui. Ca m’avait l’air d’un coup de pub génial, mais d’un autre côté je n’avais pas vraiment envie de me retrouver  dans le F-Side avec ce truc dégoûtant dans les mains. Quelques semaines plus tard, juste pour m’amuser, j’ai apporté une paire de lunettes de plongée à laquelle j’avais attaché un vieux dentier de ma mère. Un steward héberlué me les confisqués à l’entrée, lors d’un contrôle de routine ».

Invités au Hilton

A l’approche du déplacement au feyenoord (24/04/77), le F-Side est bien décidé à régler ses comptes suite aux événements de Rotterdam. Leurs plans s’écroulent quand la police parvient à séparer les supporters du feyenoord de leurs ennemis d’Amsterdam. La plupart des F-Siders déçus partent discrètement. Une centaine d’entre eux font mouvement et gagnent le centre-ville avec difficulté. Les événements vont de travers à l’hôtel Hilton. Plusieurs dizaines de fans chahutent au milieu des clients de l’hôtel, terrorisés, pendant que d’autres cassent les vitres à l’extérieur. Soudain pourtant, il s’avère que des membres des services secrets israéliens sont dans le bâtiment. Ils croient à une attaque, et surgissent du hall le pistolet à la main. Dans la panique qui s’ensuit bon nombre de supporters s’échappent en s’entassant dans la porte à tambour. La plupart parviennent à s’échapper, plus par chance que par perspicacité.

L’invasion de l’Angleterre

Au premier tour de la coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, l’Ajax rencontre Totenham Hotspurs. La nouvelle soulève un grand enthousiasme parmi les fans. C’est une occasion formidable pour le F-Side de se mesurer aux hooligans anglais. Il n’y a alors pas encore de reconnaissance mutuelle entre les deux clubs « juifs ». Des centaines de fans de l’Ajax annoncent qu’ils feront le voyage à White Hart Lane.
L’Ajax joue en premier à domicile (16/09/81). A la grande angoisse de la police, une bonne partie des 3 500 fans des Spurs se trouvent avoir des places dans les secteurs Ajax. La veille du match, les premières hordes d’anglais arrivent, et conformément à la tradition, s’installent dans le quartier des « lumières rouges ». Les premiers incidents éclatent sans tarder. Sur Zeedijk, une rue où à l’époque aucun amstellodamois sain d’esprit ne serait allé s’aventurer, ils en viennent aux mains avec des junkies et des dealers, qui ne tardent pas à chercher le salut dans la fuite. De même, sur les avenues Rokin et Damrak, les londoniens laissent derrière eux un sillage de dévastation.
Les Ajaxiens sont conscients que ces supporters doivent être pris au sérieux. Ils attendent l’occasion de passer à l’action en groupe à l’extérieur du Stade Olympique. Mais  ils sont très inférieurs en nombre aux fans des Spurs. Qui plus est, ces balaises sont d’une autre catégorie que les jeunes loubards du F-Side. Ce qui devient visible peu avant le coup d’envoi quand un groupe d’anglais repousse sans difficulté plusieurs centaines de fans de l’Ajax contre les barrières des sections SS et TT.
L’Ajax perd 3 à 1, et est au bord de l’élimination. Afin de réunir le plus grand nombre de supporters possible pour le match retour à l’extérieur, l’équipe habituelle de peintres en graffiti se met au travail. Ils mettent sur pied le déplacement, annoncent qu’il sera plein de surprises, et qu’une assurance-vie est recommandée. Le « guide » ne donne cependant pas tous les détails. Ils essaieront de se rendre à Londres.
Seulement une trentaine de fans répondent à l’appel, et se retrouvent à la Central Station le lundi soir (29/09/81), sans grand entrain. Ronnie, qui se trouve promener son chien près de la gare, se demande ce qui se passe; il se laisse convaincre de rejoindre le groupe.
A bord du ferry, ils se mettent dans l’ambiance, principalement grâce à la consommation de litres de gnôle. Comme à leur habitude, les F-Siders se conduisent de manière choquante. Des assiettes de nourriture volent à travers le restaurant, le shopping détaxé devient du shopping gratuit. Ils rotent le plus fort bruyamment possible. En bref : après une heure, les autres passagers sont parfaitement au courant de la présence à bord de fans de l’Ajax. Pendant ce temps, la  consommation d’alcool continue, tant et si bien qu’ils s’écroulent dans le bar. Pour Bennie, il reste rien d’autre à faire qu’un somme sur le bas-côté. Il a perdu tout son argent au casino.
Les membres du groupe se séparent à leur arrivée à Londres. Il n’y a de toute façon aucune raison de maintenir cette mini-armée. Huit fans passent leur journée à suivre une visite guidée de Wembley, à visiter de nombreux pubs, et à faire du shopping gratuit. Le rendement de Johan le voleur augmente de manière visible. Néanmoins, l’enthousiasme du groupe est refroidi par les nombreux avertissements de londoniens inquiets, qui font part du caractère dangereux des abords du stade. Ils soulignent qu’il est peu recommandé de porter les couleurs de l’Ajax. Les supporters entament leur trajet vers le stade avec des sentiments mitigés. L’atmosphère semble amicale. Les bobbies peu nombreux font les cent pas, mains dans le dos. Aucun signe de la tristement célèbre armée hooligan.
Peu avant le coup d’envoi, les supporters de l’Ajax pénètrent incognito dans la section des visiteurs, située sur la tribune sud du stade. Une enclave de 200 ajaxiens doit tenir tête de la voix à un nombre considérablement plus élevé d’anglais. Ils sont complètement enfermés. Dès qu’ils sont découverts, l’atmosphère se fait menaçante. Aux abords de la tribune Est la foule scande de façon tout à fait intelligible « on se retrouvera à la sortie ». La tribune Est, sur les niveaux haut et bas, se joint à eux. Des milliers de bras accompagnent les chants en pointant du doigt les amstellodamois qui se font tout petits. Après la mi-temps, des supporters des Spurs hors d’eux tentent de prendre d’assaut la section grillagée des supporters visiteurs, mais heureusement l’autorité de quelques bobbies suffit à les calmer. Enfin, pour un moment. Des bras anglais porteurs de gros tatouages continuent de mettre à l’épreuve les barreaux de fer pendant que des bouches avinées continuent de crier des phrases où l’adjectif « enfoiré » figure en bonne place. Le message est clair : pas de friction à l’intérieur du stade ni à ses abords.
Les supporters de l’Ajax ne s’intéressent plus au match. Ils n’ont qu’une préoccupation : comment sortir entiers de cette asile de fous ? Bien avant la fin du match, les F-Siders s’éclipsent, un par un, pour une longue marche jusqu’à la station de métro des Seven Sisters. L’adversaire est un peu trop fort pour le F-Side. Les supporters ne fanfaronneront à nouveau que le lendemain, sur le ferry. Lampofiel (Lampophile), un F-Sider de Rotterdam, ainsi surnommé parce qu’il parvient à dévisser des ampoules électriques dans les endroits les plus inimaginables, vole le drapeau du bateau. Un navire ne peut officiellement naviguer sans son pavillon, ce qui explique pourquoi l’équipage en entreprend fièvreusement la recherche. Le capitaine lui-même y participe. Il finit par attraper Lampofiel, qui, après une brève poursuite, se cache dans les toilettes. Il tente de se débarrasser du drapeau en y mettant le feu mais malheureusement ne pense pas à l’alarme incendie au-dessus de lui, qui permet à l’équipage de le localiser. Le capitaine lui fait un oeil au beurre noir en guise de souvenir personnel. Ce sera le seul coup de poing de tout le voyage...

Gerald

Amsterdam. Son père, supporter acharné du feyenoord, emmène Gerald (aujourd’hui 29 ans) au Stade Olympique pour la première fois. Ils sont en retard pour le match et ratent les premiers buts, mais beaucoup suivront cet après-midi là, pour une victoire de l’Ajax sur le feyenoord sur le score historique de 8 à 2. Le match, comme l’ambiance qui l’entoure, lui font une impression formidable. Il est tout de suite accroché. Six ans plus tard, il arrive en retard à un autre match, cette fois-ci pour la rencontre à domicile de la coupe de l’UEFA contre l’Austria de Vienne. Ce qui s’avérera être le tout dernier match européen de l’Ajax au stade De Meer. Ce soir-là, Gerald deviendra connu comme « le lanceur de barre de fer ».
« L’Ajax n’aurait jamais gagné ce match. L’Austria était tout simplement meilleur. Après le match, le capitaine Jan Wouters a dit quelque chose du genre : « si ce connard n’avait pas lancé ce truc, on aurait pu renverser le cours du match. » Ma première réaction à l’époque a été « mon vieux, qu’est-ce que tu racontes comme connerie ? Vous avez été nuls. Même en jouant pendant deux heures de plus, vous n’auriez pas gagné. » Mais je ne cherche pas à justifier ce que j’ai fait.
J’étais en retard au match, et ça m’a été très difficile d’entrer, parce que je n’avais pas de billet. Tout le monde était déjà entré et c’est plus facile de se faufiler avec l’affluence. J’étais assis tranquillement sur les barrières près de l’entrée du Diement Side. Les policiers m’ont regardé et j’ai pensé : « je veux voir l’Ajax, et je me fiche de vous. Alors j’ai sauté la barrière et couru à l’intérieur. Ils ne m’ont pas poursuivi, parce qu’ils ont vu où j’allais. Tu sais que neuf fois sur dix, ils ne t’y suivront pas. Quand l’Austria a égalisé, l’ambiance est devenue pesante dans notre section. En effet, tout le monde a commencé à déconner. Les types avec qui j’étais ne regardaient plus le terrain. On secouait les barrières. Je ne m’en suis pas mêlé, car j’étais encore trop énervé, et occupé à crier « nazis, nazis, nazis » ». J’ai entendu le speaker du stade, sans savoir que c’était Freek de Jonge (comédien hollandais, et invité annonceur ce soir-là). La seule chose dont je me souviens est le mot « achtung »  mais je n’y ai pas fait attention. Je n’ai pas entendu la suite.
Et puis quelqu’un m’a mis quelque chose dans les mains. Dieu sait qui m’a donné ce truc, mais cette personne m’avait probablement regardé et vu combien j’étais hors de moi. Donc je lance cette barre en l’air en direction du terrain. Je n’avais pas l’intention de toucher le gardien de buts, je voulais juste lancer ce truc sur le terrain. Je me suis tout de suite rendu compte que je faisais une erreur, une grosse erreur. Au moment où le type a reçu la barre, j’ai pensé : merde, je vais me faire tabasser par les autres gars. Je croyais que j’allais me faire cogner parce que j’avais fait quelque chose de mal. Mais à ce moment-là, l’enfer s’est déchaîné. Tout le monde s’est mis à hurler « nazis, nazis, nazis ». Bryan, Jeroen, Hessels et tous ces gens sont devenus complètement dingues. Ayant vu ce qui se passait, j’étais en train de m’en aller. Un type plus vieux, chauve, m’a attrapé et m’a dit qu’il était fier de moi. Je n’ai rien répondu mais je me suis dit : ouais, d’accord, mais je me suis mis dans un foutu pétrin. J’ai pensé ça au moment même où je l’ai fait, parce que je sais fichtrement bien si ce que je fais est bien ou mal. Et c’était mal, mal, mal.
Les gens me dévisageaient dans le tramway. Je me disais : vous n’avez aucune idée de ce que je viens de faire il y a à peine dix minutes. J’étais tendu. Mon cousin logeait chez nous dans ma chambre au grenier, et je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il s’est moqué de moi et a dit qu’il ne me croyait pas. Il a dit « va te faire foutre » et a continué ses devoirs. A partir de là, je n’en ai plus parlé.
J’ai vu ça à la télé une fois ou deux et c’est tout. Je ne pouvais pas supporter de voir ça, parce que tu sais que tu as baisé ton club, tu vois ? Tu trompes le club que tu aimes, que tu adores, et pour lequel tu donnerais ta vie.
Hessels a été le premier à me dire « allez, ça aurait pu arriver à chacun d’entre nous, alors les gens devraient fermer leur gueule ». C’est un moment qui m’est très cher, parce que tu te sens tellement mal quand ce genre de chose arrive, et c’est peu dire.
Le dimanche suivant, je me suis fait arrêter au stade de foot de DWS (club amateur d’Amsterdam). Je venais de mettre ma tenue de foot et étais sur le point d’entrer sur le terrain pour l’échauffement. Je me suis aperçu que j’avais oublié un de mes protèges-tibias et suis retourné au vestiaire. Alors j’ai vu ce type marcher dans ma direction et s’engouffrer soudain dans un autre vestiaire. La première chose que je me suis dit c’est : il y a quelque chose qui cloche, c’est un flic. Mon coeur a commencé  à battre à toute vitesse. De l’autre bout du hall, un autre type marchait vers moi. Un autre est arrivé de derrière, et l’un d’eux a sorti son insigne. Je savais ce qui arrivait. « Police, district IJ Tunnel, M. Romijnse ». Je n’oublierai jamais ce nom. « On peut faire ça de deux façons. Tu prends tes affaires et tu t’habilles. On t’attend dans le hall. Tu marches devant jusqu’à la voiture, et on sera juste derrière toi. Dans ce cas, on n’utilisera pas les menottes. Ou tu peux choisir de faire des histoires. Dans ce cas on te passe les menottes et tout le monde le verra. » Qu’est-ce que tu ferais ? Donc je me suis habillé, j’ai marché devant eux, et je suis monté dans leur voiture. Je sentais qu’ils étaient sûrs que j’étais celui qui avait fait ça. Ca se voyait à leur façon de me parler. Ils ont commencé par dire : « Tu dois ressentir comme un soulagement, pas vrai ? »  mais ils auraient pu le savoir rien qu’en me regardant. Mon attitude leur disait que j’étais content de me faire arrêter. Je n’ai jamais joué au dur, et je crois que c’est pour ça qu’ils m’ont bien traité. Ma détention préventive fut repoussée à la condition que j’habite chez ma tante. Je devais rester tout le temps à l’intérieur, parce que les journalistes me cherchaient. J’étais un gosse tout fou de 17 ans. Restant assis à l’intérieur durant trois semaines, alors que je voulais sortir et être libre. Ca ne se passa pas bien chez ma tante et je suis rentré chez moi, mais ils ne l’ont pas permis. Le procureur voulait m’enfermer à nouveau. Je dus me rendre au commissariat d’AJ Tunnel, mais là-bas un officier de police m’a dit « cela n’arrivera pas. Tu retournes chez toi, et on se voit lundi matin. Je crois toujours que c’est une farce qui a mal tourné. Tu n’es pas un criminel et je ne te traiterai pas comme tel ».
Plus tard, j’ai du me présenter devant un tribunal. Ca m’était déjà arrivé. C’était un juge non-voyant du nom de De Vries. Il lut quelque chose en braille puis me demanda « N’étiez-vous pas ici il y moins d’un an ? » Je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Il me demanda « est-ce qu’il y  a de quoi rire ? ». Il éleva le ton, tu vois ce que je veux dire ? Ca m’a achevé. Sans ça j’aurais pu m’en tirer avec un mois environ. J’ai regardé dans un coin où il y avait un chien d’aveugle, plus mort que vivant, et je me suis remis à rire. C’était tellement absurde, ç’aurait dû être filmé.  J’ai fini par prendre cinq mois en maison de correction, j’ai fait mon temps au Lloyd Hotel (lieu de détention des mineurs délinquants d’Amsterdam) avec une bande F-Siders et quelques autres amstellodamois.
Disons les chose comme ça : j’ai été condamné, mais je n’avais pas un rond pour payer. Si je gagne au loto ou à je ne sais quel jackpot à la con, l’Ajax sera la bienvenu à ma porte. En fait, je prendrai les devants, et c’est moi qui irai les voir, parce que c’est et ce sera toujours mon club. Quelque fois les autres gars en rient encore. D’habitude, j’en blague : « fais gaffe, mec, tu sais que je vise bien ! » Ou je crie, quand c’est dans le contexte, « Tu sais, je suis assez dingue pour lancer une barre de fer sur un gardien de buts, alors toi, tu te prends pour qui ? ». Mais en général, on en parle à peine.
Plusieurs personnes m’ont dit que M. van Praag avait demandé une fois si : « le gamin de l’incident de la barre de fer » était toujours le bienvenu. Il a dit quelque chose du genre : « Bon, c’était un gamin de 17 ans, et maintenant il a un travail correct, alors où est le problème ? ». C’était le moment de faire une demande d’abonnement au stade. Après avoir été sur la liste d’attente pendant un an, j’en ai obtenu un pour la section 128 (une des sections du F-Side à l’Arena). J’en étais fier, parce que je porte le F-Side dans mon coeur, comme je dis toujours. Je ne pourrais pas être dans une autre section. Je l’ai fait plusieurs fois, récemment pour un match de coupe par exemple. C’est tout simplement affreux et ennuyeux. Avec le F-Side, c’est là où ça bouge, c’est là où c’est vivant. On n’a pas honte de faire savoir au monde que l’on supporte l’Ajax. Les autres si. C’est l’impression que j’ai toujours quand je me trouve ailleurs. Quand je crie « Allez l’Ajax », les gens me regardent fixement : « qu’est-ce qui lui prend ? » Alors je pense : qu’est-ce qu’ils font là ?
Parfois je m’engueule avec ces gens. Récemment une espèce de fermier de Maastricht vient vers moi et me demande : « pourriez-vous vous abstenir de fumer ici ? » « Tu es en train de me dire que je n’ai pas le droit de fumer un joint ici, mec ? Tu ne dois pas te sentir bien mon vieux. Va donc voir le foutu MVV Maastricht ou je ne sais quoi. » En particulier, quand la carte pour les déplacements n’avait pas encore été instaurée, je pensais que les types d’Amsterdam méritaient d’être prioritaires. Franchement, je le pense toujours. C’est sympa que Pierre, Paul, ou Jacques, de Dieu sait où, aillent à des matches à l’extérieur, mais je suis d’Amsterdam. C’est mon club, c’est ma ville, alors qui devrait avoir la priorité ici ?
Ca fait maintenant un an que je suis chauffeur d’autocar. Mon rêve est de conduire un jour le bus des joueurs de l’Ajax. Si je veux avoir une chance de me faire embaucher par OAD (transporteur officiel de l’Ajax), il me faudra plusieurs années d’expérience, et une bonne réputation. Ils ont pas mal de chouettes autocars. On ne te laisse pas les conduire si facilement. Une fois que tu y es, tu as l’occasion de conduire plusieurs équipes de l’Ajax. En général, ça fait rire les gens quand je leur dis, mais ils reconnaissent que c’est un beau rêve. Quelquefois je rêve éveillé. Je rêve de moi discutant en tête-à-tête avec van Praag, tu sais. Et qu’il se dit : eh bien, ce n’est pas un si mauvais garçon après tout.

Un tour de « juif »

La guerre entre supporters de football n’a pas lieu que sur le terrain, elle est aussi souterraine, hors de portée des médias. Ils tentent, souvent de manière subtile, d’empoisonner la vie de l’autre. Un « mauvais » accent, un vêtement ou un tatouage peuvent suffire pour devenir la victime d’un « tour de juif » de la part des fans de l’Ajax. Un tour de juif est en général l’oeuvre d’un seul individu. Le plus souvent la victime ne se rend même pas compte qu’elle s’est faite avoir.
Wortel (Carotte) est un des précurseurs. Au début des années 80, il travaille pour une société de chauffage central. Wortel sélectionne avec application les réclamations concernant les pannes de chauffage, en fonction de la ville de résidence. Les clients de Rotterdam et de ses environs sont placés en dernier, de telle sorte qu’ils passent plus de temps dans le froid, dans l’attente d’un réparateur.
Les fans du Psv et du feyenoord qui viennent d’oublier leurs affaires dans le train courent le risque de se voir infliger un traitement particulier par le service des objets trouvés de la gare centrale d’Amsterdam. Rooie Smitje (Smitt le roux) : « une fois, feyenoord devait jouer un match de coupe d’Europe contre le VFB Stuttgart. La veille du match, un portefeuille a été apporté à notre bureau, il contenait deux billets pour le match. Normalement, on prévient le propriétaire immédiatement, mais pas cette fois-ci. Le portefeuille fut placé hors de vue sur un bureau plein d’affaires, de façon à ce que personne ne le remarque. J’ai appelé le feyenoorder 10 minutes avant le coup d’envoi. Histoire de le narguer, je lui ai dit qu’on l’avait retrouvé la veille, pour qu’il ait l’impression que tout aurait pu s’arranger si on avait fait de notre mieux. Ce qui a donné au téléphone une réaction de grande déception, offusquée, et la question du pourquoi on n’avait pas appelé plus tôt. La plupart des gars ici sont des supporters de l’Ajax. Alors on a bien rigolé entre nous. »
« Ca arrive souvent également que les gens perdent leur ticket de consigne. Un jour un type avec un très mauvais accent se pointe à mon guichet, j’ai tout de suite été sur mes gardes. Je lui ai ouvert son casier. A l’intérieur, il y avait un sac contenant une écharpe du feyenoord. En temps normal, on est assez coulants, mais dans son cas on a suivi minutieusement la procédure, dans ses moindres détails. On lui a demandé de nous décrire le contenu de son sac, et de nous montrer une pièce d’identité. Il n’en avait pas, alors je l’ai renvoyé en lui disant que je ne pouvais rien faire pour lui. Quand il s’est représenté un peu plus tard, je lui ai fait payer la durée additionnelle de location du casier, en lui facturant en plus une amende, ce qu’on ne fait pas d’habitude. En fait, je déteste encore plus le Psv, mais on n’en a pas beaucoup comme clients. Une fois, on nous a apporté l’agenda d’un fan du PSV. On y a écrit quelques trucs, comme « attends-toi à une bonne raclée » à la date de PSV/Ajax, mais il ne faut pas abuser de ce genre de choses. On a trouvé dans un magazine un coupon pour demander un échantillon gratuit de paquet de couches pour incontinence urinaire. On a inscrit le nom et l’adresse du type, et on l’a envoyé. Dommage qu’on n’ait pas pu voir sa tête. »
Sur le circuit sensible du marché noir, il arrive que des fans du feyenoord achètent des billets de match à d’impassibles et irrepérables F-Siders. John : »Une fois on a vendu 150 billets à des feyenoorders, indirectement et pour un bon paquet de fric. C’était des billets pour leur match à l’extérieur contre le Borussia Moenchengladbach. Le lendemain on a téléphoné en Allemagne pour informer la police locale que de faux billets étaient en circulation. De cette façon on les a doublement baisés. Je suis sûr qu’ils l’ont toujours sur le coeur. Voilà, un « tour de juif «  typique ».
Roudy : « La plupart des feyenoorders sont imbéciles, des rustres et des lourdaux. Et ils ne s’en cachent pas avec leur dégaine d’abrutis. On est beaucoup plus rusés et malins dans nos actions. J’ai travaillé dans un snack-bar au Nieuwendijk. Un jour un groupe de feyenoorders est venu prendre un milk-shake. Mon patron avait une haine farouche des feyenoorders. Il était complètement dingue, et trompait sa femme avec des putes immondes et défraîchies. Il attrapait comme ça plein de maladies dégoutantes. Alors je suis allé à l’arrière avec le milk-shake de l’un des types et, devinez quoi, il plonge sa bite dedans, tout simplement. Je l’ai tendu au gars : «  bon milk-shake, hein ? ». Le rotterdamer m’a répondu qu’il était délicieux.
Un jour l’attention de Longy fut attirée par cinq camionnettes d’ouvriers de bâtiment, stationnées devant une boucherie de Kinkerstraat. Sur l’une d’entre elles on pouvait lire « feyenoord » et « SCF » (abréviation principale utilisée par les hooligans du feyenoord). Ce genre de trucs. Pour commencer, je suis allé au supermarché le plus proche pour acheter une bouteille de sauce en verre, et pour la coincer sous un pneu, pour qu’ils se rendent compte qu’on n’aime pas ce genre de trucs à Amsterdam. J’y suis retourné le soir et j’ai fracturé l’issue de secours pour entrer dans la boutique : j’ai peint partout « AFC Ajax » et « Mokum Hooligans », et aussi sur le gros algeco [baraquement provisoire de chantier] à l’extérieur. C’était vraiment marrant de voir ces types travailler le lendemain avec cette expression stupide sur la figure. Je n’ai jamais revu la camionnette avec tous les maillots miniatures du feyenoord, et le baraquement aussi fut emporté assez rapidement. Imagine l’algeco faisant tout le chemin du retour jusqu’à Rotterdam, sur une espèce de camion, avec AFC Ajax peint sur le côté. Je trouve que c’est une image magnifique ».
Yoki, qui travaille à l’aéroport de Schiphol à Amsterdam, se concentre pendant son travail sur les bagages du feyenoord. Un jour il intercepte la valise du défenseur du feyenoord John de Wolf et la jette dans un container à destination du Venezuela. Quand l’équipe du PSV arrive à Schiphol, épuisée après un tournoi amical au Brésil, les joueurs d’Eindhoven veulent rentrer chez eux aussi vite que possible. Cependant, leur demande de récupérer leurs bagages aussi vite que possible n’aura pas exactement l’effet escompté. Yoki « on a laissé leur container au sous-sol environs une heure et demie, avant de le vider. A cause de ça, ils ont du attendre deux heures de plus et ça ne les a pas amusés. Ce sont des trucs marrants. Mais bon, il nous fallait le temps, parce que bien sûr on a jeté un oeil à ce qu’ils transportaient.
Les feyenoorders voyants et bruyants ont une chance particulièrement élevée de voir leurs bagages bénéficier d’un traitement spécial à Schiphol. »Je voyais ces types bien connus du feyenoord de temps en temps. Ils se tenaient là, faisant les malins au guichet d’embarquement. Alors je regardais le numéro de leur vol affiché sur l’écran au dessus d’eux, et je me précipitais en bas. Là, je retirais leurs valises du tapis roulant et je les envoyais vers une autre destination. Par exemple, si ils allaient en Espagne, j’envoyais leurs bagages en Grèce, parce qu’ils ne sont pas trop efficaces là-bas. Ils se la coulent douce en Grèce, ces gars ont donc du attendre quelques semaines pour leurs affaires. Excellent n’est-ce pas ? A plusieurs occasions, on a distribué quelques coups de poing à certains d’entre eux, après le travail, dans le hall des départs. Mais bien sûr on ne portait pas nos uniformes de l’aéroport quand on faisait ça. »
Les livres et les magazines du feyenoord constituent également des cibles très populaires. Ewart chiffonne depuis plusieurs années les exemplaires du « krant », hebdomadaire  du feyenoord, ou il les cache dans des endroits inappropriés. Wouter procède de manière plus subtile. Sur le chemin de son travail, l’air propre et net dans son costume, il rend quotidiennement visite à la librairie AKO de la gare de Haarlem, simplement pour déplacer tous les exemplaires du krant du feyenoord vers le rayon du porno gay. Après quelques mois, le propriétaire du magasin a fini par abandonner. Il ne se donne plus la peine de les remettre en place.
Longy est davantage un « spécialiste du livre ». Son domaine de travail comprend les librairies, les kiosques, et les bibliothèques. Longy : « quand j’entre dans une librairie, je vais tout de suite au rayon des sports, pour chercher à la lettre G  Gageldonk (journaliste sportif néerlandais Paul van Gageldonk est l’auteur du livre le plus controversé en Hollande sur le hooliganisme, qui l’a rendu très impopulaire parmi les fans de l’Ajax). Je tourne le dos au comptoir, faisant semblant de feuilleter le livre. Puis je déchire la couverture, ou même rien qu’un morceau. Ou bien je la plie tellement que plus personne ne l’achètera. Je fais la même chose avec des exemplaires des bouquins du feyenoord tels que hand in hand ou la chanson de feyenoord. « Ce dernier, à propos, contient un CD que l’on peut casser. Le livre appelé » de feyenoorder publié par Voetbal International est génial lui aussi. Il a une couverture en carton rigide. Il suffit de la plier plusieurs fois, en avant et en arrière, et tout tombe en morceaux.
Longy connaît son score exact par magasin. Au grand magasin Scheltema du Bijenkorf il a détruit 40 des 200 exemplaires. Il n’est plus admis dans la librairie Scheltema de Koningsplein, depuis que l’agent de sécurité l’a pris sur le fait. « Le fait que les bouquins de van Gageldonk soient publiés par une maison d’édition d’Amsterdam me tape sur les nerfs » dit-il. « C’est pour ça que je me promène régulièrement dans le coin des éditions Nijgh et van Ditmar. Il pourrait en sortir. Si jamais je le vois, je te garantis qu’il va directement dans le canal. A mon avis ses livres ne devraient pas être vendus à Amsterdam. Ce bouquin « hand in hand » est tellement pour eux et contre nous. On ne peut pas le tolérer, c’est tout. Peut-être c’est du vandalisme, mais je ne pense pas que je faise quoique ce soit de mal. Je considère ça comme de l’assainissement. A mon avis, je suis dans mon droit. »

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